Imaginez un monde où nous aurions accès à une électricité propre, en abondante et peu coûteuse parce que l’énergie peut être transportée par des lignes de transmission sans résistance et sans perte.
Imaginez des appareils électroniques qui fonctionnent sans jamais chauffer… ou encore des technologies plus faciles à utiliser et moins coûteuses comme celles des trains à lévitation ou des ordinateurs quantiques… ou, finalement, votre médecin qui dispose d’un petit appareil d’imaginerie par résonance magnétique (IRM) qui peuvent entrer dans le cabinet du médecin.
Ce ne sont là que quelques-unes des applications possibles des matériaux supraconducteurs à haute température, qui seraient capables de conduire le courant électrique sans résistance à la température ambiante ou à celle d’un réfrigérateur. Plutôt que de devoir les refroidir à des températures cryogéniques, inférieures à –138°C (–216°F), pour devenir supraconducteurs, comme c’est le cas présentement avec des matériaux appelés cuprates. L’atteinte de la supraconduction à haute température est depuis des décennies le rêve de chercheurs du monde entier.
Aujourd’hui, Ambature inc., entreprise de Scottsdale, en Arizona, a un bureau à Waterloo et collabore avec des scientifiques de l’Université de Waterloo à la recherche et au développement d’une technologie qui pourrait contribuer à faire de ce rêve une réalité.
La collaboration entre Ambature et l’Université de Waterloo a été rendue possible par Technologies quantiques transformatrices (TQT), initiative qui réunit des chercheurs, des chercheuses et des partenaires du secteur privé afin d’accélérer le transfert des propriétés en apparence magiques de la mécanique quantique à des technologies révolutionnaires concrètes.
Dans le cadre de ce projet, des universités canadiennes, dont l’Université de Waterloo, ont formé le Colaboratoire quantique (Colab quantique) pour mettre en commun leurs installations de recherche et développement ainsi que leur expertise, afin de donner vie à la technologie quantique. Ambature est l’une des entreprises qui mettent à profit les installations et l’expertise du Colab quantique ici même au Canada.
« La mission d’origine d’Ambature était de fournir une énergie propre disponible partout dans le monde. C’est une affirmation audacieuse, mais c’est exactement ce que les supraconducteurs à haute température permettent de réaliser », déclare Ron Kelly, chef de la direction d’Ambature.
« Il y a également la fabrication de produits qu’on ne peut même pas envisager aujourd’hui, ou encore la miniaturisation et une meilleure rentabilité de technologies actuelles. » [traduction]
Ron Kelly a une longue expérience de mise sur pied d’entreprises à Waterloo, dont Medicalis (devenu par la suite une filiale de Siemens AG) : « C’est ma 4e entreprise lancée dans la région de Waterloo qui collabore étroitement avec l’université.
« Waterloo possède les atouts dont nous avions besoin, notamment une forte spécialisation en génie, de même qu’un accès à de l’équipement quantique et à l’expertise nécessaire.
« Pour faire ce que nous faisons, ajoute-t-il, il faut de l’expertise et de l’équipement. L’université nous permet d’avoir accès à un équipement exceptionnel, à des équipements d’essai et à une salle blanche de très haut calibre. Nous pouvons aussi recourir aux services de personnes payées à la pièce pour nous aider à faire des tests. » [traduction]
Mitch Robson, scientifique en recherche et développement chez Ambature et qui travaille au bureau de Waterloo, a accès aux ressources humaines et matérielles qui l’aident dans ses projets de recherche et développement technologique.
Le domaine des matériaux supraconducteurs est passionnant, avec un grand nombre d’applications possibles, explique-t-il : « Que ce soit dans le domaine des villes intelligentes, des véhicules autonomes et bien d’autres. » [traduction]
Les scientifiques connaissent la supraconductivité depuis plus d’un siècle, et celle-ci a déjà de nombreuses applications, par exemple dans les trains à lévitation magnétique et les appareils d’IRM. Mais pour devenir supraconducteurs, des matériaux doivent généralement être refroidis à des températures extrêmement basses, ce qui entrainer des coûts élevés et en limite les utilisations. L’idéal consisterait à créer des matériaux supraconducteurs à la température ambiante ou même, le cas échéant, à la température d’un réfrigérateur ordinaire.
Ambature a fait breveter une technologie de couches minces qui peuvent former des circuits supraconducteurs beaucoup plus souples et efficaces. Les couches minces sont faits d’un matériau composite à base d’oxyde mixte d’yttrium, de baryum et de cuivre (YBCO). Il s’agit d’un cuprate, mais la conception propre au matériau mis au point par Ambature aidera les chercheurs à obtenir une supraconductivité à des températures plus élevées.
Ce qui caractérise la technologie d’Ambature est l’architecture des couches, qui permet au courant de passer selon l’axe a dans une direction verticale aussi bien qu’horizontale. Cela constitue un avantage important par rapport aux matériaux conventionnels à axe c, dans lesquels le courant ne peut passer que dans une direction horizontale.
« Avec l’axe c, explique M. Robson, nous sommes limités à ce qui se trouve dans un plan. En utilisant l’axe a, nous avons l’avantage d’empiler des matériaux afin de créer des circuits et structures plus complexes. » [traduction]
Cela facilite la fabrication de ce que l’on appelle des jonctions de Josephson, composantes-clés de tout circuit supraconducteur, qui permettent à des paires d’électrons de passer d’un supraconducteur à un autre.
Des tests effectués l’an dernier ont montré que le matériau d’Ambature est de grande qualité et peut entrer dans la composition de dispositifs à jonctions de Josephson. M. Kelly ajoute : « Nous avons conçu ces matériaux de telle sorte qu’ils puissent faire l’objet d’une production à grande échelle dans n’importe quelle fonderie au monde. » [traduction]
Cette technologie pourra aider à résoudre le problème de la chaleur parasite due à la résistance électrique dans des appareils. En informatique quantique, de meilleurs matériaux supraconducteurs dotés de jonctions de Josephson de grande qualité peuvent aider les bits quantiques (ou qubits) à demeurer dans un état cohérent de superposition de 0 et de 1 afin d’effectuer des calculs quantiques.
Selon M. Robson, la prochaine étape consiste à poursuivre le développement de dispositifs à jonctions de Josephson et à créer des circuits quantiques plus complexes à l’aide de ces matériaux. M. Kelly ajoute qu’avec le soutien d’installations disponibles à l’Université de Waterloo grâce au partenariat avec le Colab quantique, Ambature compte produire des prototypes de cette technologie et la mener sur la voie de la commercialisation.
Ron Kelly s’est joint à Ambature il y a environ 9 ans, mais pendant un certain temps la recherche a été en veilleuse alors que l’entreprise se concentrait sur le dépôt de brevets afin d’obtenir une licenses pour sa propriété intellectuelle partout dans le monde. Mais, aujourd’hui, avec les brevets accordés qui garantissent la propriété intellectuelle d’Ambature, la croissance que des couches minces de grande qualité à axe a sont mis au point et que les tests démontrent la faisabilité de prototypes, Ambature accélère son processus de recherche et développement à Waterloo.
La présence de l’Institut d’informatique quantique et des installations de Colab quantique à Waterloo, de même que l’expérience de M. Kelly dans la création d’entreprises dans la région de Waterloo, lui ont permis de conclure que « Waterloo est le bon endroit et c’est le bon moment pour l’entreprise » [traduction].
Il parle d’une relation symbiotique, car Ambature et Waterloo bénéficient toutes deux de cette collaboration. L’entreprise compte ultimement prendre de l’expansion au Canada. Il ajoute que le corridor Waterloo–Toronto est formidable à cause de la présence de diplômés hautement qualifiés qui connaissent la technologie quantique.
« Nous sommes d’abord et avant tout une entreprise du domaine quantique, dit-il, et il n’y a pas beaucoup d’endroits où l’on puisse avoir ce que nous avons trouvé à Waterloo. » [traduction]