Les lasers et les puces de silicium pourraient être considérés comme les 2 plus importantes innovations du monde moderne.
Inventées en 1958, les puces de silicium sont omniprésentes dans les ordinateurs, les téléphones, les automobiles et les vaisseaux spatiaux. Les lasers, inventés en 1960, sont utilisés dans la chirurgie oculaire, les imprimantes, le LiDAR des véhicules autonomes, la télédétection, ainsi que dans de nombreux dispositifs médicaux, scientifiques et militaires.
Nous sommes maintenant au début d’une nouvelle révolution qui réunit ces deux grandes inventions.
Lukas Chrostowski, professeur titulaire de génie électrique et informatique à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et cofondateur de la jeune pousse Dream Photonics, souhaite intégrer des lasers sur des puces peu coûteuses permettant une vaste gamme d’applications. Toutes les citations qui suivent sont traduites de propos qu’il a tenus en anglais.
« Nous avons trouvé une manière de peut-être abaisser le coût par laser à environ 2 dollars. Nous voulons commercialiser des capteurs et des lasers ensemble, et relever le défi de mettre des lasers sur des puces photoniques de silicium. »
Pour réaliser cela, M. Chrostowski utilise les installations de l’UBC, membre du Colaboratoire quantique (Colab quantique), milieu de recherche-développement qui donne vie à la technologie quantique.
Les membres du Colab quantique sont l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke, l’Institut Stewart-Blusson sur la matière quantique de l’UBC, de même que Technologies quantiques transformatrices (TQT), initiative de recherche en technologie de l’Institut d’informatique quantique de l’Université de Waterloo.
M. Chrostowski explique que même si des entreprises comme Intel et Cisco mettent aujourd’hui des lasers sur des puces de silicium, ce procédé n’est pas encore suffisamment rentable, et des entreprises plus petites ne peuvent pas actuellement y recourir dans une variété d’applications.
Dans un article récent rédigé pour LinkedIn, M. Chrostowski écrit : « Je rêve du jour où je pourrai mettre un laser dans un circuit intégré à l’aide d’un logiciel de conception assistée. En plus du laser, il y aurait des guides d’ondes, des séparateurs de faisceau, des détecteurs, des modulateurs et quelques composants exotiques. J’enverrais mon projet de circuit à une fonderie et je recevrais une puce de silicium comportant un laser intégré. »
Ce projet a vu le jour au sein du consortium SiEPICfab (Silicon Electronics-Photonics Integrated Circuits Fabrication – Fabrication de circuits intégrés d’électronique et de photonique sur silicium), qui réunit 17 entreprises et 6 universités dans le but de fournir des installations de recherche et de fabrication, et d’accélérer le développement de la photonique sur silicium. Il a également obtenu un financement du réseau Accélération de l’amélioration des processus de fabrication (AAPF), qui bénéficie du soutien du Programme des réseaux de centres d’excellence du gouvernement fédéral.
Selon M. Chrostowski, si des lasers sur puce pouvaient être utilisés dans des capteurs à faible prix, cela diminuerait sensiblement le coût de fabrication de dispositifs technologiques comme les montres intelligentes qui détectent les biomarqueurs de diverses maladies, ou encore les tests rapides de la COVID-19 et d’autres maladies virales.
Il y aurait aussi un énorme potentiel de réduction des coûts et de nouveaux développements dans divers domaines, dont la prochaine génération de LiDAR dans les véhicules autonomes et la construction d’ordinateurs quantiques.
M. Chrostowski ajoute que cela faciliterait également le calcul quantique.
Un certain nombre d’entreprises travaillent déjà sur le calcul quantique à base de dispositifs photoniques.
« Chacune de ces entreprises d’informatique quantique optique aura besoin de lasers pour produire des photons individuels ou des photons intriqués. Des états quantiques de la lumière sont nécessaires. Puis, pour les communications quantiques, il faut aussi des lasers afin de produire des photons individuels, qui servent à la transmission d’information. »
La collaboration est la clé pour ce que Dream Photonics tente de réaliser.
M. Chrostowski dit que l’utilisation des installations du Colab quantique à l’UBC est cruciale, de même que l’expertise fournie par d’autres partenaires du milieu universitaire et du secteur privé.
« Dream Photonics contribue à l’intégration des lasers, alors que d’autres participent aux diverses étapes de la fabrication. »
Il explique que cette entreprise n’est pas une jeune pousse traditionnelle financée par du capital de risque, mais plutôt un rouage d’un partenariat international du milieu universitaire et du secteur privé qui vise à permettre à des entreprises de créer tout un ensemble d’applications de lasers sur puce.
« Nous voulons aider d’autres personnes à mettre au point leurs applications en développant un procédé et en le diffusant, de même qu’en élaborant des outils et des bibliothèques de dispositifs liés au laser. Même s’il peut y avoir 50 produits différents, ils ont beaucoup de choses en commun, et nous voulons un régime commun de fabrication. »
M. Chrostowski ajoute qu’en collaborant avec des partenaires du milieu universitaire et du secteur privé, il a accès à des connaissances, à des personnes et à de l’équipement qui pourraient ne pas être disponibles pour une petite entreprise telle que Dream Photonics.
Du point de vue des universités et du gouvernement, ces collaborations contribuent à faire passer des innovations du laboratoire à la commercialisation, ce qui stimule l’économie et procure un rendement sur les investissements qu’ils ont consentis.
« Dream Photonics bénéficie de l’utilisation des installations et des procédés de l’UBC, ainsi que de l’expertise de son personnel hautement qualifié et bien formé. Nous comptons sur les finissants de l’UBC, qui viennent grossir les rangs de l’entreprise. »
Étant donné les progrès rapides dans ce domaine, M. Chrostowski croit que 2022 sera une année charnière pour les lasers sur puce.
« Il y aura une avalanche de nouveaux produits et de nouvelles idées possibles. Si l’on peut construire de petits systèmes plutôt que de grosses boîtes pour les lasers, et que l’on peut mettre de nombreux lasers sur une puce, cela donnera lieu à des nouveautés. »
Pour M. Chrostowski, la venue de nouvelles applications des lasers sur puce est le point culminant d’une vie de fascination pour les lasers.
Pendant son enfance, il a été initié aux lasers par son père, qui travaillait pour le Conseil national de recherches du Canada; il les a vus aussi dans les films de la série La Guerre des étoiles. C’était naturel pour lui de vouloir étudier les lasers et de les amener à une prochaine étape. « Chaque fois que je devais choisir quoi faire, les lasers étaient là d’une manière ou d’une autre. »
Maintenant que les lasers sur puce sont une réalité, il a hâte de voir se réaliser leur nouveau potentiel.
« Il y a des lasers depuis que je suis au monde, mais au début ils étaient lourds et encombrants. Ils sont maintenant petits et peuvent être montés sur des puces. La question est de savoir ce que cela permettra dans l’avenir. « Je crois qu’il y aura de nouvelles possibilités d’innovation venant non seulement de moi, mais de l’imagination et de la créativité de bien des gens. Je suis impatient de voir quelles applications ressortiront de tout cela. »