La vision jouera un rôle crucial dans la technologie de demain.
Même si la plupart des gens sont impressionnés par les capacités actuelles des caméras de téléphones intelligents, le développement de détecteurs de lumière beaucoup plus rapides et ultrasensibles aura des applications dans bien des domaines, des voitures à conduite autonomes au réseau Internet quantique, en passant par la numérisation en 3D de paysages et le développement des communications quantiques.
Un partenariat entre l’Université de Waterloo et l’Université de Sherbrooke contribue à la réalisation de cette technologie.
Les équipes de recherche de Serge Charlebois et de Jean-François Pratte, de l’Université de Sherbrooke, et celle de Thomas Jennewein, professeur au Département de physique et d’astronomie ainsi qu’à l’Institut d’informatique quantique de l’Université de Waterloo, participent à ce projet.
Ensemble, ces équipes améliorent et développent de nouvelles applications pour un capteur d’images formé d’un réseau de SPAD (single-photon avalanche diode – diode avalanche à photon unique) qui a été conçu dans les laboratoires de Sherbrooke, et mettent au point de nouvelles applications de ce capteur.
Ce projet s’inscrit dans le Colaboratoire quantique (Colab quantique), un milieu de recherche et développement récemment mis sur pied auquel participent les installations de recherche de trois universités — l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke, l’Institut Stewart-Blusson sur la matière quantique de l’Université de la Colombie-Britannique et l’initiative Technologies quantiques transformatrices (TQT) de l’Institut d’informatique quantique de l’Université de Waterloo.
Ces trois institutions universitaires et des partenaires du secteur privé travaillent ensemble pour donner vie à des technologies quantiques.
Le projet des universités de Sherbrooke et de Waterloo est un exemple de la puissance de la collaboration dans la recherche actuelle en physique quantique.
La technologie de capteur d’images à SPAD sur laquelle travaille l’équipe de l’Université de Sherbrooke est si sensible qu’elle permet de détecter un photon (une particule de lumière) à la fois et de savoir avec précision où et quand cette particule atteint le détecteur. Mais pour rendre cette technologie utile dans un certain nombre d’applications différentes, les chercheurs espèrent mettre beaucoup plus de pixels (ou éléments d’image) sur ces capteurs et pouvoir obtenir une image très nette. Ils veulent également y parvenir tout en obtenant une résolution temporelle extrêmement rapide, de l’ordre de la picoseconde (un millionième de millionième de seconde), afin de permettre un traitement de l’information beaucoup plus rapide sur une seule puce.
L’équipe de l’Université de Waterloo effectue les tests optiques de l’équipement et formules des commentaires en vue de l’améliorer. Elle travaille également à combiner la technologie des SPAD avec la technologie des récepteurs quantiques que maîtrise l’équipe de M. Jennewein à Waterloo.
« Si nous parvenons à rendre ces capteurs vraiment rapides tout en ayant une bonne résolution spatiale, ils auront de nombreuses applications, en détection, imagerie, télémétrie et communications quantiques » [traduction ], déclare Shihan Sajeed, qui travaille actuellement pour le ministère de la Défense nationale, mais qui a été postdoctorant au sein de l’équipe de M. Jennewein et est maintenant chercheur invité à l’Université de Waterloo.
« À Waterloo, notre force est la partie quantique, alors qu’à Sherbrooke, c’est ce qui concerne la détection et les circuits électroniques », ajoute Ramy Tannous, doctorant au sein de l’équipe de M. Jennewein. « L’équipe de Sherbrooke repousse les limites afin de rendre la technologie très rapide, et nous participons aux tests visant à déterminer si elle est assez rapide pour ces diverses applications. » [traduction]
L’un des avantages de cette technologie est la capacité de traiter beaucoup plus d’information d’imagerie sur une même puce, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de stocker des gigaoctets de données » ajoute M. Tannous.
Une partie essentielle d’un monde où l’informatique quantique sera possible consistera à créer un internet quantique sécurisé avec des satellites capables de recevoir les photons et de traduire rapidement et précisément les informations sur ces particules de lumière en zéros et en uns pour la communication quantique.
En général, c’est la polarisation horizontale ou verticale d’un photon qui détermine s’il s’agit d’un 0 ou d’un 1. Mais le codage selon la polarisation est sujet à des erreurs lorsque les signaux sont réfléchis sur une surface telle qu’un mur ou une cible lointaine. C’est là que la technologie des capteurs à SPAD de l’Université de Sherbrooke peut être utile. Comme les capteurs à SPAD sont capables de déterminer avec une très grande précision le moment où un photon est arrivé, on pourrait utiliser le codage selon le moment d’arrivée au lieu du codage selon la polarisation pour diminuer les erreurs dans une application de détection ou d’imagerie.
En combinant l’expertise des chercheurs de Waterloo en matière de récepteurs quantiques en espace libre avec la technologie de détection mise au point à Sherbrooke, la réalisation d’une technologie de pointe et à haute performance de récepteurs de signaux quantiques devient possible.
Mais ces capteurs d’images à haute vitesse ont aussi beaucoup d’autres applications. Par exemple, un véhicule autonome doit « voir » son environnement, même en roulant à grande vitesse sur une route sombre la nuit. Les archéologues veulent produire des cartes 3D pour localiser d’anciennes structures telles que des routes ou des bâtiments dissimulées dans un paysage. Les technologies de capteurs d’images sont également utiles dans le domaine de la défense et pour l’exploration d’autres planètes. Il y a aussi des applications dans les domaines de la microscopie, de l’imagerie médicale et de la réalité virtuelle.
Selon M. Sajeed les chercheurs de Sherbrooke ont relevé le défi de créer un dispositif électronique intelligent qui regroupe beaucoup plus de pixels sur un même capteur tout en étant capable de détecter le signal des photons.
Il s’agit maintenant d’améliorer la conception, selon M. Sajeed. C’est là qu’interviennent les tests effectués à Waterloo : « Nous projetons de la lumière sur le dispositif, nous essayons d’en mesurer la vitesse et la précision, puis de trouver quelle est sa gigue temporelle (la constance de sa résolution temporelle). » [traduction]
« Les chercheurs de Sherbrooke apporteront des améliorations en tenant compte de nos commentaires, ajoute M. Tannous. C’est passionnant de participer à la mise au point de technologies émergentes, en particulier avec des collaborateurs ici même au Canada. » [traduction]